Au Burkina Faso, où la crise sécuritaire depuis 2015 a touché au moins deux millions de personnes, des Ouagalais attendent plus d'"efforts sécuritaires", un mois après la formation de "l'équipe de combat" du Premier ministre Appolinaire Kyelem, nommé à la suite du coup d'Etat du capitaine Ibrahim Traoré.
Cheick Zoungrana inflige son poids à une chaise en bois. Scotché sur les réseaux sociaux il salue avant tout le recrutement des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) sans manquer de faire un sous-entendu.
"Depuis le recrutement des VDP, il n’y a plus autant d’attaques terroristes qu’auparavant. Mais je ne dis pas que ce sont les nouveaux combattants enrôlés qui étaient terroristes », tente-il de clarifier ne pouvant s’empêcher d’en rigoler.
Il se consacrera l’instant d’après à des solutions face à la crise sécuritaire, les pieds éloignés de la terre : « Il faut un appui aérien aux déplacements des combattants".
Il accole à sa poitrine sa main au gré de sa pensée exprimée, de ses propos avancés. Ses pieds s’allongent autant qu’il s’affaisse dans la chaise près de son magasin.
"Quand les militaires décident d’aller sur le terrain, il faut qu’il y ait un hélicoptère qui surveille d’abord, comme cela se fait ailleurs », suggère-t-il scotché à son smartphone sur lequel il arpente les réseaux sociaux contrairement à Adama Yoni, Paul et Albert qui ont en commun le patronyme Ouedraogo versés dans une causerie à proximité du marché de Ouagadougou, Les allées sont bouchées.
"Il faut qu’Ibrahim Traoré soit sincère avec le peuple. Il faut qu’il dise clairement à la France (ainsi qu’au peuple) qu’il ne veut plus de son armée au Burkina Faso", préconise Paul, l’homme dont même assis, la taille l’élève au-dessus de son duo d’amis.
L’un des deux autres, lui vouent silencieusement une attention quand l’autre insaisissable se consacre aux appels téléphoniques qu’il reçoit, se faufilant entre les voitures qui parsèment le parking.
"Je pense qu’il faut continuer de recruter les Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP)", ajoute aux recommandations sécuritaires déjà faites, le spécialiste des locations dans les villages, distinguable par son boubou unicolore.
Le concernant, Adama Yoni, le chauffeur qui confesse être supplétif de l’armée, à peine sorti de ses échanges téléphoniques, ajoute son grain de sel aux propositions sécuritaires : "Il faut que le président recrute plus de VDP", se joint-il à l’idée qu’a exprimée ami dernièrement sondé.
Il arrive péniblement au bout de ses phrases, impatient qu’il paraît de clore le sujet. Intenable, ses montées et descentes du mini escalier fréquentes, M. Yoni achève ses propos avant le tour du second Ouédraogo :
"On peut chasser la France mais, cela doit se faire avec le temps", insiste-t-il, disparaissant des secondes après du décor que meublent une fourmilière d’autres ouagalais.
Albert Ouedraogo, le sourire hyperbolique, les bras croisés, occupe soudainement seul l’escalier, tentant de corroborer ses idées : "Ce sont les armes que nous voulons. Il nous faut les moyens d’acheter des armes pour (nous défendre)".
Il demeure posément assis, fidèle à son sourire emphatique, imperturbable aux rachitiques bruits que produit le démarrage d’un moteur, tandis qu’il s’explique : "Ce ne sont (ni) les Français, Russes, (ni) les Chinois qu’il nous faut, (mais) des armes pour travailler », invitant le Gouvernement à faire "des efforts", dans ce sens.
M. Simporé était lui aussi en train de travailler avant de s’étendre sur le sujet. Vulcanisateur, retranché dans la langue « Moré", s’essayant à un français plus ou moins difficile à capter, ses pneus alignés, il n’hésite guère à commenter: "Le temps de Damiba est différents de celui de Traoré. Maintenant, il y a un peu de sécurité mais ce n’est pas encore sufisant".
Faisant face à une entité économique du pays, soucieux d’adresser des salutations aux clients du libraire à proximité, le pied droit longeant la moto sur laquelle il a trouvé repos, M. Simporé est certain que la "mauvaise" situation sécuritaire impacte « négativement (ses) affaires ».
Abdoulaye Dié a déjà rangé ses affaires. Il a l’esprit tourné vers la prière. En pleine ablution, il a juste le temps de décharger sa bouche d’un flux d’eau et d’énoncer ses propos.
"Fuir (face au terrorisme) n’est pas la solution. A force de (le faire) on ne sait pas où on en est", estime-t-il lorsque son arpète pénètre le magasin dans lequel il doit le substituer, le temps que la prière arrive à son terme.
"Il faut que chaque province ait au moins 100 VDP" considère-t-il débarrassé de son bouloir avant sa marche rapide, de plus en plus accélérée, suivant l’itinéraire de la mosquée.
Jean-Cyrille OUATTARA