"Ce sera difficile pour Sawegnon de passer au Plateau (surtout) s’il est encore le candidat du RHDP" (ndlr, Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, parti au pouvoir) estime E. Fahe, se penchant sur la nouvelle ambition électorale du communicant, dans la perspective des municipales de 2023, en Côte d’Ivoire.
M. Fahe dont le visage subit le courroux de la fatigue, longe l'un des incalculables couloirs de la commune. Eloigné à des dizaines de mètres d’un podium dédié à une activité publicitaire, le masque sanitaire recouvrant le menton, il parle suffisamment fort, pour outrepasser la musique congolaise qui retentit en fond sonore.
"Le fait qu’il soit (encore) avec le RHDP n’est pas bien. En 2018, il a fait croire qu’il venait en indépendant, nous étions avec lui, je battais déjà campagne pour lui, quand on a découvert qu’il venait finalement pour le compte du ce parti, (cela) nous a découragés et je vois qu’il (commet) la même erreur cette année.
Dans ce couloir qu’a davantage amaigri la ribambelle de sachets poubelles, rien ne le déconcentre, pas moins la fresque multicolore qui s'étend, presque sans cesse, sur des mètres.
"Moi je suis du parti de Gbagbo, mais si Sawegnon se présente en indépendant et fait du social, (étant candidat) je peux voter pour lui », autrement, telles que je vois les choses il est mal parti pour gagner", croit-il, alors que son bras droit flirte avec le mur pittoresque.
Des cris résultant d’une dispute entre deux photographes, attirent l’attention de quelques passants parmi lesquels, Eugène Koffi agent de la salubrité, dont la vitesse de la marche paraît insoutenable pour ses "lêkês" (ndlr, chaussures destinées au football, jargon ivoirien) se montre aussi franc que causant : "Nous, on se sent bien avec notre Maire Ehouo, si Sawegnon veut gagner ici au Plateau, il faut qu’il, attende la fin des mandats de (celui-ci).
Les pieds mis dans le plat, loquace de surcroît, il s’évertue à contenir la puissance que dégage sa voix pour ne point perturber, l’autre riverain qui, isolé dans un Gbaka (ndlr, mini-car), est perdu, torse nu, dans un sommeil qui perdure.
"Si jamais Ehouo ne candidate pas je pourrai le soutenir, mais devant Ehouo, je ne le vois pas gagner parce que (ce dernier) a beaucoup travaillé", estime-t-il allant jusqu’à ressasser la polémique inhérente à ses origines :
"De plus, il n’est pas (totalement) ivoirien, or chez nous (cela) compte", avoue-t-il, clarifiant tout de même et toujours autant attaché à sa verbosité, que ce n'est pas, en ce qui le concerne, ce débat sur les origines qui l’intéresse.
L’avis à peine partagé, il se remet solitairement à la marche, laissant admirer son jogging, peu tacheté, d’un noir qui le colorie de la hanche aux chevilles.
Tout le contraire, de George Kouassi, au physique de sportif dont la taille titille presque le sommet de l’abribus dans lequel, lui aussi solitairement, flotte immobilement.
"Pour gagner, Sawegnon doit fait comprendre aux gens que ce ne sont pas les origines qui comptent", lui suggère-t-il indirectement, s’étirant interminablement, pour mieux guetter l’arrivée du bus pour lequel il demeure arrêté.
"J’ai écouté son discours, la dernière fois, il a dit beaucoup de choses intéressantes (concernant) les bâtiments vieillissants", se souvient l’aide-soignant qui trouve "très bon" ce constat sur lequel il souhaite s’étendre.
"Il y a beaucoup de choses à refaire au Plateau (en termes de travaux) et pour la Mairie (nous) on n’a pas besoin qu’il soit Ivoirien mais il doit aussi convaincre (les électeurs) que ce n’est pas ce qui compte".
En revanche, l’adulte dont les épaules se dessinent à travers le tee-shirt d’un rouge vif, admet que toutes ces "bonnes idées" ne sauraient suffire à gagner tant que "les origines" seront la trame de ce débat.
Abel Djedjess, chauffeur, n’a pourtant pas l’esprit tourné vers la question identitaire. Pour lui, c’est surtout la "proximité" avec le "peuple" qui manque au chef d’entreprises, trouvant en cet aspect l’une des "raisons" de la défaite qu’a concédée ce dernier,, en 2018 glissant au passage, la réflexion selon laquelle ,sans démarche, la victoire s’annonce "compliquée" sauf si cela est "son destin".
D.K.K, commerçant, le bras allongé, soucieux de mettre en valeur les montres qu’il propose, regrette que le candidat malheureux de 2018, "n’ai rien fait pour la commune depuis lors", si bien qu’il pointe du doigt les investissement du businessman.
"Tout ce qu’il a comme entreprise se trouve hors du Plateau, malgré sa défaite il n’a rien réalisé pour la commune", lui reproche-t-il, assurant que "ce n’est pas (la meilleure manière) de préparer une élection" quoique ne lui prédisant pas non plus "une défaite".
Au-delà, le vendeur qui, dans les mots, paraît précautionneux en répondant aux questions qu’il cerne avec peine, considère que le "Plateau n’a pas oublié" les évènements de 2018, qu’il relie "à la tentative de tricherie" du candidat battu, lequel "a gazé" ceux qui se sont "opposés à la fraude" de son camp.
Ces accusations ultimes piochées dans le passé, portées à l’encontre du publicitaire bouclent son intervention, préférant les minutes qui suivront escorter jusqu’à son taxi, l’un de "ses vieux pères" qui préférait écouter et se taire.
Jean-Cyrille OUATTARA